The week of
August 24, 2025

La semaine macro dans l’Union Monétaire - Août 2025

Alors que l’Europe semblait condamnée à la stagnation économique et politique, les marchés boursiers (DAX, CAC) battent des records. Cette hausse s’explique par un rattrapage des valorisations européennes par rapport aux États-Unis, malgré un contexte de récession en Allemagne et en France.

Indices Boursiers

DAX & CAC

Très forte progression

YTD

38/40 actions en hausse

LVMH

+12%

Banques centrales

BCE

Statu quo + ton prudent sur l'économie

FED

Ton plus politique avec Trump en arrière-plan

Technologie & IA

Lancement open-source de DeepSeek (Chine)

Perte de $600 Md de capitalisation pour Nvidia

Menace perçue sur la suprématie technologique US

Réactions politiques sur propriété intellectuelle & RGPD

Données macroéconomique UE

Croissance T4

0% QoQ / +0.9% YoY

France

-0.1%

Allemagne

-0.2%

Crédit privé

croissance anémique (+1.1%, inférieure à l’inflation)

Inflation

Baisse confirmée en France & Allemagne (-0.2% MoM IPCH)

Masse monétaire

croissance en ralentissement (+3.5% YoY)

Perspectives systémique

Le récit dominant d’un effondrement européen face à la Chine et aux États-Unis est contredit par la réalité des marchés. Loin des narratifs simplistes, de « petits » événements (ex. DeepSeek, Fed vs Trump) génèrent des secousses massives, révélant une fragilité croissante du système global.

Implications clés pour les investisseurs

Repositionnement

sur les actifs européens semble justifié (valorisations attractives)

Volatilité à prévoir

sur les valeurs tech US (risque géopolitique + disruption IA)

Anticiper

des ajustements majeurs liés aux politiques publiques (monnaie, tech, climat)

Surveiller

les dissymétries monétaires (Fed/BCE) et leurs impacts sur les devises

Le Dax affiche un plus haut historique au premier abord paradoxal compte tenu de la récession qui affecte durablement l’économie allemande. Il ne s’agit pas d’un constat isolé puisque même le CAC triomphe en ce début d’année en approche de son plus haut de mars 2024. Même constat sur ces deux indices : seules 2 des 40 actions qui les composent affichent une performance négative YTD.

Voilà deux économies et marchés financiers que chacun donnait perdants tant les imbroglios politiques y semblaient paralysants.Bien entendu les +14% de SAP et +12% de LVMH, dont respectivement 84% et 92% des chiffres d’affaires sont réalisés hors Allemagne et hors France, ont bien aidé, mais le mouvement est assez général et tient surtout du rattrapage des valorisations européennes par rapport aux US en termes de multiples, critère selon lequel les capitalisations européennes étaient très en retard depuis 2 ans (en fait, les tendances sur cet indicateur ont constamment divergé entre les deux régions depuis fin 2009).

Sans donc trop s’étendre sur les raisonnements qui expliquent toujours tout à posteriori, que le fidèle lecteur se souvienne de ce qui nous était promis en novembre 2024. Avec l’arrivée de Trump c’en serait fini de l’Europe. D’un côté l’accélération tous azimuts, une compétitivité accrue, des droits de douane, une dérégulation qui libérerait l’innovation, la créativité, la suprématie économique et financière… et de l’autre la Chine vexée d’un retard irrécupérable sur l’IA, interdite de GPU derniers cris, en surcapacité chronique de produits industriels devenus périssables, en inondant le monde à viles prix… Entre les deux : l’Europe embourbée dans les normes, les pudeurs environnementales, les coalitions politiques aussi irresponsables qu’instables, l’Europe, à l’éthique hésitante et aux modèles périmés, achevée par le naufrage de la première économie du continent.

Un récit auquel, malgré l’insistance évangéliste de ceux qui l’invoquent, plus personne ne croit. Voilà l’utilité profonde des grains de sable : ils bloquent infiniment le sillon d’un parcours pourtant rationnellement projeté.

Nous vivons le contraire de l’impressionnisme.

Une pensée se structure généralement à l’aide d’un recul de quelques pas afin que les sens, trop près, perdus dans les détails, regroupent des zones de couleurs dominantes et perçoivent des parcours cohérents de lumière ; ainsi se dégage une impression au réalisme naïf mais profond. Le réel se regroupe dans la raison de cet effort à accepter la distance physique et mentale au sujet.

Alors que l’académisme capte la pause, le concept, l’impressionnisme capture l’instant, l’humeur. Prétendre que l’une, l’impressionnisme donc, néglige le détail et que l’autre en cultive l’exactitude est à la fois faux et hors sujet. La définition de détail est simplement différente et si l’une se rapporte au témoignage et au sens (le chef d’œuvre y est accompli) l’autre se réfère au mouvement et à l’équilibre fragile du moment (seule la série pourrait accoucher du réel).

Nous voici proches de la frontière : au souhait d’une distance mixte. Embrasser la finance mondiale d’une vision macro semble sans portée conclusive, mais, dans le même temps, le détail nous en détourne par son impact d’apparence énorme.

On en donne quelques exemples avérés cette semaine.

Le plus évident consiste à rapporter les réunions quasi synchrones du FOMC et du conseil des gouverneurs de la BCE. Elles ont abouti à des actions et des prévisions radicalement opposées. Au-delà des contenus, stabilité pour l’une des banques centrales et baisse des taux présente et à venir pour l’autre, au-delà d’une aussi surprenante que fondée divergence de politique monétaire dont les impacts en parité des devises semblent assumés, la forme fut essentielle. Lagarde a été interrogée sur l’état de l’économie européenne, tandis que Powell a été ramené au rapport entre lui, le management de la Fed, et le président Trump patron du pays (j’ai encore du mal avec la présidence orange au ridicule renouvelé de laquelle il faudra bien que je me fasse).

Ici aussi le scénario prévalant jusqu’à fin 2024 se trouve contesté. 50% des capacités d’hébergement des données et des processus (incluant les capacités de calcul) se trouvant aux Etats-Unis, avance sans doute amplifiée par des programmes d’investissement colossaux, cela garantissait une suprématie incontestable dans la conquête et l’exploitation de l’univers numérique. Il ne s’agissait pas uniquement de la répartition des parts de marché d’une fonction productive, mais aussi de la monétisation de gains de productivité dans l’ensemble des activités humaines. L

es niveaux de capitalisation se sont donc calés, sans devoir de lucidité, sur une évaluation logique (contingente). Ils ont même défié les totems les plus consacrés… le leadership d’Apple a vacillé comme preuve de l’avènement de la dématérialisation : l’IA ne remplaçait pas l’intelligence humaine mais sa matérialité.

Le progrès n’était plus technologique mais procédural.Le grain de sable en l’occurrence fut la découverte que le marteau-pilon n’était pas toujours nécessaire, surtout lorsqu’il s’agissait d’écraser des mouches ; que les moyens de la résolution importaient au moins autant que son but. La perturbation est venue du comment.Cette accumulation de perturbations systémiques (on se souvient par exemple de l’effet colossal de la faillite pourtant économiquement anecdotique en 2023 de la Silicon Valley Bank) me semble singulière ; il n’y a plus de « petits » décalages et la violence des emballements me parait peu compatible avec leur fréquence.Il s’agit presque d’une mise en abime du dérèglement climatique : les incongruités se succèdent sans vraiment faire passer ce thème de l’instabilité au premier plan.

Dans le cas du climat, il conviendrait de comprendre que l’abîme ne s’étend pas devant nous comme un ravin contournable ou franchissable, mais qu’il nous suit dans un éboulement qui s’accélère, réduisant l’écart entre son bord et la limite de nos pas. À l’humain, il semble impossible d’imposer la conscience que c’est bien le martellement de sa fuite qui fragilise le terrain et l’écroule à la vibration suivante.Dans le cas des perturbations financières, il s’agit d’un processus métabolique. Les marchés (exigent ?) se nourrissent d’une liquidité toujours plus abondante (déficits publics, épargne privée, monétisation par le levier sur valeur d’actif, hélicoptère monnaie…).

Ils transforment cette substance en valeur, un acquis musculaire pour affronter un avenir qui ressemble de plus en plus à une compétition (pas seulement une concurrence mais aussi un impératif de dépassement, une course permanente aux records). La satisfaction de l’entrainement suffit d’abord car il permet la projection d’un accomplissement futur. La transformation (le métabolisme) ne trouve sa récompense qu’en cas de résultat (qui suppose l’adéquation entre le régime adopté et les qualités initiales de l’athlète, mais aussi le déroulement sans grain de sable de l’épreuve).

A-t-on déjà vu les besoins et la morphologie d’un sprinter s’adapter au marathon ? Peut-être, oui, mais lui permettre de l’emporter, pas encore.La fréquence des perturbations et la magnitude de leurs effets qui en moyenne s’amplifie me semble indiquer la nécessité pour l’athlète surentrainé et donc fragile malgré une musculature plus saillante que jamais, d’une pose digestive.Il ne s’agit pas dans cette chronique de blâmer l’responsabilité des acteurs économiques qui ne font que demander et obtenir les instruments de leur action (ou plus prosaïquement de leur survie).

Elle s’interroge encore une fois sur la servilité clientéliste de la sphère publique, qui n’y trouve qu’un succès aussi éphémère que destructeur.Les annonces macro de la semaine dans l’Union Monétaire ont eu un impact nul dans la mesure où se tenaient les réunions de politique monétaire de la Fed et de la BCE.Outre la divergence à présent actée des contextes économiques et des actions menées et sans doute à venir, on note les impacts des situations politiques différentes mais lourdes dans les deux régions sous-revue.

Les uns exigent et les autres implorent.Pour le reste nous avons le plus souvent eu confirmation des tendances déjà en place depuis le début de l’été 2024 :Croissance pathétique de la masse monétaire en euro (rythme annuel passé de +4.3% à +3.5% en décembre) et croissance faible des emprunts privés (+1.1% soit toujours très en-dessous de l’inflation ! donc contraction réelle du crédit).Le sentiment économique en zone euro se reprend un peu, essentiellement du fait de la résilience de l’emploi encore solide décembre (6.3%).La croissance de l’Union déçoit au T4 avec une première estimation à 0% QoQ et +0.9% YoY.Les deux premières économies du continent pèsent sur la tendance avec des évolutions trimestrielles de -0.1% pour la France et -0.2% en Allemagne.On notera enfin que le déclin de l’inflation se confirme également en France (-0.2% sur l’IPCH MoM en janvier) et en Allemagne (-0.2% également toujours en janvier)

"Ce n’est pas le fond du ravin qui inquiète, mais la vitesse à laquelle il nous rattrape."